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1 juillet 2015 3 01 /07 /juillet /2015 21:49

 Droit du travail

A propos de l’ouvrage de Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen

 La parution de l’ouvrage de Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen « Le travail et la loi » a suscité de nombreuses réactions, en particulier celle de Pierre Gattaz, Président du Medef qui a largement salué l’initiative.

La CGT porte un regard critique sur le contenu de ce livre. Il souffre d’une entrée dans le sujet du droit du travail qui est non fondée et maladroite au regard du contexte :

- Non fondée : en partant du chômage de masse, les auteurs n’échappent pas à un amalgame dont le Medef a su se saisir : la complexité du code du travail serait un frein à l’embauche ! Or aucune étude sérieuse n’a jamais démontré un lien entre l’importance des protections relevant du code du travail et le nombre de chômeurs. En matière de lutte contre le chômage, et pour repousser toutes dérives démagogiques, ce n’est pas le code du travail qui doit être mis en cause mais le dumping social, les exonérations de cotisations sociales, le montant des dividendes versés aux actionnaires, etc…

- Maladroite : parce que les auteurs ne peuvent ignorer le contexte dans lequel leur contribution intervient. Celui d’un Medef à l’offensive, pour qui la critique de l’épaisseur du code du travail traduit d’autres visées : la remise en cause d’un droit du travail d’origine légale jugé comme une contrainte inacceptable pour les employeurs.

Même si une telle intention n’était pas celle des auteurs de l’ouvrage, il n’en demeure pas moins que l’opinion publique risque de ne retenir que quelques affirmations idéologiques autour du livre : le code du travail serait trop compliqué, il faudrait le simplifier, sous-entendu le ramener à sa plus simple expression …

Pourtant, il est une démarche à laquelle la CGT est disposée à prêter une attention particulière : cette démarche doit effectivement partir du diagnostic d’une réelle complexité du droit du travail. Les multiples dérogations, soit à la loi comme sur l’aménagement du temps de travail, soit aux accords de branches obtenues sous la pression des employeurs, en sont largement responsables. Les salariés eux-mêmes peinent à connaître et défendre leurs droits. S’attacher à dégager des principes universels opposables à tout employeur auxquels il n’est pas possible de déroger en moins favorable pour les salariés et décliner ces grands principes en règles opérationnelles, voilà qui serait de nature à rendre plus intelligible le droit du travail pour les salariés comme pour leurs employeurs.

Mais l’objectif doit être clairement posé : il s’agit notamment de bâtir un code du travail plus fort, plus solide pour tous les travailleurs d’aujourd’hui, plus engageant parce que sans surprise pour les employeurs.

Tel n’est pas le résultat de l’ouvrage malgré son titre prometteur « Le travail et la loi ». Les 50 grands principes édictés manquent de contenus et d’ambitions. Les auteurs semblent mettre de côté le caractère central du travail et de son statut, de la nécessité d’une législation du travail suffisamment complète, forte et protectrice. On notera par exemple l’absence du droit de grève, du droit à la qualification, le peu de précisions concernant le droit à la santé au travail. Rien n’émerge dans ces principes en matière de transférabilité des droits. La durée légale du travail est reléguée à la simple notion de durée « normale », tout comme le respect d’un salaire minimum. On comprend dès lors que ce défaut de précisions amène les auteurs à renvoyer de nombreux points à la négociation collective, à conférer rapidement une place centrale au contrat de travail, en oubliant le fait qu’ils ne peuvent seuls encadrer le lien de subordination.

Le point de vue des auteurs aurait pu aider à repenser la place de la loi, de la négociation collective et du contrat de travail. Il faut conforter le principe selon lequel la loi s’impose à tous, l’accord collectif ne pouvant y déroger mais fixer des dispositions plus favorables aux salariés. Au lieu de cela, il conforte la tendance actuelle accordant une place disproportionnée à l’accord collectif notamment d’entreprise, au détriment de la loi et du contrat de travail, comme le préconise la mission Combrexelles confiée par le Premier Ministre.

Il est dommage que ce petit ouvrage ne puisse ouvrir des pistes plus audacieuses pour l’ordre public social.

Manipulation du téléspectateur ou mauvaise compréhension ?

Interview d'Antoine Lyon-Caen

Entretien réalisé par Sébastien Crépel Jeudi 18 JUIN 2015

"L'Humanité Entretien"

« Nous révélons les principes du droit pour que l’on n’y porte pas atteinte »

 « Notre démarche ne propose en aucun cas de mettre en cause les protections des salariés », mais de retrouver le sens des « grands principes » du droit du travail, assure le professeur de droit Antoine Lyon-Caen, coauteur avec Robert Badinter du "Travail et la Loi" (Fayard).

En proposant, dans l’ouvrage que vous avez coécrit avec Robert Badinter, le Travail et la Loi, de dégager les « principes » essentiels du droit du travail, ne craignez-vous pas que cela soit instrumentalisé par ceux qui ont l’ambition d’affaiblir les protections des salariés ?

ANTOINE LYON-CAEN

Il y a une concordance involontaire entre la parution du livre et des événements politiques que nous ne pouvions prévoir quand nous avons commencé ce travail il y a huit mois. Clairement, notre démarche ne propose en aucun cas de mettre en cause les protections des salariés. Mais nous sommes conscients du risque d’être mal compris : certains peuvent penser qu’en dégageant les principes qui structurent notre Code du travail, on perde les dispositions plus précises, plus détaillées. Nous voulons au contraire mettre en avant les arêtes vives, les grands principes, pour être sûr que ceux-là ne seront pas atteints, quitte à ce qu’on puisse débattre sereinement des modalités par lesquelles ces principes sont mis en œuvre.

Emmanuel Macron a déclaré que votre travail « alimentera » la mission Combrexelle mise en place par le gouvernement, dans le but de repenser ce qui « doit relever de la loi ou de l’accord d’entreprise ou de branche ». Votre ouvrage n’ouvre-t-il pas des brèches en ce sens ?

ANTOINE LYON-CAEN

Nous n’avons rien inventé, notre texte ne fait que reprendre le droit actuel. Même si, dans certains domaines, nous avons pu interpréter le droit positif de façon constructive, par exemple quand nous disons que l’évaluation du salarié doit respecter la dignité de la personne, ou que tout salarié a droit de participer à l’élection d’un représentant. Ce principe est latent dans notre droit. Mais, dans l’ensemble, nous mettons en lumière ces principes pour qu’il n’y soit pas porté atteinte.

Vous écrivez aussi qu’ « on ne compte plus les modifications du droit du travail » conduites dans le but de créer ou sauver de l’emploi, « en vain, à ce jour » … N’est-ce pas parce que la clé de la résorption du chômage ne réside pas dans la modification du Code du travail ?

ANTOINE LYON-CAEN

Je suis d’accord. Notre objectif est plutôt de dissiper les idées délétères à propos du droit du travail. Il faut prendre au sérieux ces représentations. Les traiter par le mépris reviendrait à ne pas voir leurs effets, même si ces idées sont fausses. Nous proposons de prendre le discours de la simplification à rebours, c’est-à-dire s’en servir pour consolider notre droit. On pourrait en effet envisager une refondation progressiste du Code du travail qui, tel qu’il est, n’empêche nullement le chômage ou les licenciements.

Mais le droit du travail est le fruit d’un rapport de forces, aujourd’hui défavorable aux salariés. N’est-ce pas illusoire d’espérer ouvrir un « débat serein » dans ces conditions ?

ANTOINE LYON-CAEN

Que l’on ne se méprenne pas, ce n’est pas un livre de combat mais un ouvrage destiné à un public large, aux délégués syndicaux, aux salariés etc. Nous sommes gagnés depuis vingt ans par un économisme du droit, c’est-à-dire que le droit est jugé par les résultats qu’il procure. C’est contre cela que nous souhaitons ouvrir un débat. Le droit n’est pas fait pour procurer je ne sais quel résultat dans les jours qui suivent. Cet espoir est vain, ce qui est important, ce sont les valeurs auxquelles nous sommes attachés.

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Published by retraitecgtmanche

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